Dès 2018, nos organisations syndicales ont dénoncé les dangers que le projet de loi de transformation de la fonction publique allait faire courir à l’ensemble des agents du secteur public. La Ville de Paris entend, à travers l’application des 1 607 heures, augmenter le temps de travail des agents de la Ville.
Sur la forme, la question du calendrier fixé par l’exécutif nous a déjà permis de prendre la mesure des entraves que l’exécutif cherche à imposer au dialogue social et à une réelle négociation. Entre le vote de la loi, le 6 août 2019, les élections municipales et la crise sanitaire, la Ville aura attendu 6 mois pour que l’adjoint en charge des ressources humaines finisse par annoncer le 7 janvier 2021 aux organisations syndicales que « hors sujétions, le temps de travail ne pourra plus être inférieur à 1 607 h annuelles ».
Cette première annonce était déjà lourde de conséquences puisqu’elle signifiait la volonté de l’exécutif d’augmenter le temps de travail et d’accepter la remise en cause de l’acquis de l’ARTT.
Pour découvrir davantage les intentions précises de l’exécutif, il faudra encore 2 autres mois avec deux interpellations de la maire par courrier et deux mobilisations massives à l’Hôtel de Ville, les 4 février et 9 mars. L’intersyndicale remercie tous ceux qui s’y sont associés. Par leur mobilisation : plus de 6 000 agents en grève le 4 février soit près de 12 % des personnels de la Ville, nous avons clairement manifesté à l’exécutif notre opposition à toute augmentation du temps de travail ! Depuis, l’exécutif est sorti de sa frilosité en tenant 4 réunions : le 12 février pour aborder enfin la question spécifique du temps de travail, le 18 mars pour une première présentation détaillée, puis les 23 et 25 mars.
Au total, il aura donc fallu plus de 8 mois pour commencer à entrer dans le détail du sujet, la Ville jouant la montre avec en perspective une délibération au Conseil de Paris de juillet ! Rappelons que l’accord-cadre de 2001 avait demandé plus d’un an de négociations et que l’ensemble des interlocuteurs des collectivités territoriales s’accordent pour dire qu’il faut a minima un an pour conduire tout projet de révision du temps de travail !
Sur le fond, deux chantiers ont été ouverts par l’exécutif : la durée annuelle du temps de travail et la remise en cause de l’accord-cadre de 2001.
Sur le premier point : l’application stricte des 1 607 h annuelles ne pourrait qu’entraîner une augmentation du temps de travail des agents de la Ville. Cette mesure, telle que la présente l’exécutif, entérinera la disparition de 8 jours de congé supplémentaires appelés « extra-légaux » (4 jours d’hiver et 4 jours du maire). Ceux-ci furent pourtant accordés sous les précédentes mandatures en reconnaissance du travail effectué par les agents sans que personne n’y trouve jamais rien à redire. Revenir dessus constituera une véritable régression sociale.
Sur le second point, la perspective du remplacement de l’accord-cadre de 2001, telle que présentée, est particulièrement inquiétante. Non seulement aucune véritable parole politique encourageante sur la volonté de défendre les avancées de cet accord n’a été exprimée par la maire, mais l’objectif apparaît d’aboutir à un « règlement » qui débouchera sur la remise en cause des échelles de sujétions actuelles et des règles de gestion du cycle de l’horaire variable et des cycles à horaires fixes, et ce, dans des conditions et avec des références en retrait sur l’esprit qui avait prévalu en 2001.
Dans le détail, les premières présentations qui nous ont été faites représentent des pistes dangereuses à plus d’un titre. Elles ont jusqu’ici concerné le cycle de l’horaire variable. En voici quelques-unes.
L’élargissement des plages du cycle de l’horaire variable, s’il peut apporter plus de souplesse, devra être borné pour éviter tout dépassement illégal.
La récupération du temps travaillé au-delà de l’obligation légale sera contrainte par la suppression définitive des jours de récupération. Nous nous opposons à cette disparition alors que, déjà, nombre d’encadrants sont écrêtés et travaillent au-delà des 1 607 h sans que leur temps de travail réel soit pris en compte. Les pics d’activité sont une réalité dans de nombreuses directions et concernent des agents de toutes catégories.
L’obligation de consommer les JRTT acquis dans le trimestre suivant leur génération ne permettrait plus de les mobiliser jusqu’au 31 mars de l’année suivante.
L’élargissement du badgeage unique aux cadres et encadrants dont le niveau hiérarchique serait défini par chaque direction constituerait une mesure inacceptable car il permet à l’administration d’invisibiliser encore davantage le travail accompli par les encadrants au-delà des 1 607 h alors que de nombreux agents se plaignent déjà de ces dépassements horaires. Il ne s’agit rien moins que d’une « invitation » à travailler plus longtemps sans contrepartie financière et en faisant peser des risques sur la santé des agents et sur l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
La réduction de la pause méridienne minimale obligatoire et la suppression du temps de trajet pause méridienne ne sont pas plus acceptables car ces mesures inciteraient des agents à raccourcir leur temps de pause pour générer du temps de travail sans augmenter l’amplitude de leur journée, mais cela au détriment de leur santé en termes d’hygiène alimentaire.
La mise en place de projets de service organisant la présence des agents sur la plage 9 h-17 h lorsque les nécessités de service le justifient, en précisant les horaires sur lesquels la présence des agents n’est pas « souhaitée » par le chef de service est aussi pour nos organisations inacceptable car au-delà de la formulation contestable de la « présence… pas souhaitée », l’organisation du service ne doit relever que du comité technique de chaque direction.
De ces premières présentations, l’intersyndicale retient tout d’abord qu’elles n’amorcent aucune négociation mais qu’elles constituent plutôt « une indigeste explication de texte » du document de travail envoyé. Ce problème de méthode et les contraintes imposées par le calendrier augurent très mal de la suite lorsqu’il faudra discuter des 300 cycles de travail définis par près de 140 délibérations !
Par ailleurs, les premières propositions de l’administration n’aboutissent qu’à augmenter le temps de travail des agents à travers la suppression de jours de congé. D’autres mesures proposées visent à tenter de combler une partie des jours perdus mais à travers des mécanismes de temps de travail supplémentaire.
Enfin, la disparition programmée des 8 jours de congé supplémentaires ne doit pas masquer d’autres préjudices qui attendent les agents : révision des cycles de travail à horaires fixes, révision des sujétions… Il est à craindre que les termes utilisés par l’exécutif sur sa volonté de « moderniser » et de « plus grande équité » ne soient que des prête-noms pour remettre encore davantage en cause les acquis des agents et revoir à la baisse le régime des sujétions.
Enfin, lorsque la question du temps de travail sera aboutie, le risque est grand d’en voir d’autres surgir, rendues également possibles par la loi : ajout au groupe 1 (donc sans passage devant le conseil de discipline) de la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions jusqu’à 3 jours, détachement d’office des fonctionnaires dont les missions ou services seraient externalisés, possibilité de l’encadrement du droit de grève… Même si des assurances nous ont été aujourd’hui données de ne pas aborder ces points, qu’en sera-t-il demain ?
La suppression des 8 jours : l’arbre qui cache la forêt ?!
Pour nos organisations, toutes les voies possibles pour contrer le projet actuel doivent être envisagées. Nous avons ainsi contacté l’ensemble des groupes politiques du Conseil de Paris qui nous ont reçus et auxquels nous avons présenté nos revendications.
Nous avons aussi proposé à l’exécutif d’ajouter une sujétion spécifique « pénibilité parisienne », d’une heure par agent, pour compenser les temps de transport, les difficultés de logement et les expositions aux pollutions diverses, liés aux conditions d’exercice sur Paris intra-muros.
Nous avons enfin dénoncé le calendrier resserré et demandé un report du vote.
Si nous voulons éviter de perdre ces acquis gagnés en 2001, nous devons absolument nous mobiliser, à nouveau et massivement.
L’intersyndicale CGT, UNSA, UCP, SUPAP-FSU, FO, CFTC appelle tous les agents de la Ville à défendre leurs intérêts par les actions que nous poursuivrons. Sans votre implication et votre soutien derrière nos organisations syndicales, nous ne pourrons rien. Mais avec vous, nous pouvons faire pression sur l’exécutif, ouvrir de véritables négociations et parvenir à des avancées utiles pour tous. La Ville de Paris, première collectivité de France, possède des marges de manœuvre pour conserver les acquis sociaux de ses personnels, encore faut-il qu’elle s’en donne les moyens ! Il ne suffit pas de nous féliciter régulièrement pour notre engagement notamment pendant cette pandémie, il faut aussi le manifester clairement à travers la défense de ces acquis.
C’est pourquoi, notre intersyndicale, avec toutes celles et tous ceux qui le veulent, de toutes directions, de toutes catégories et de tous métiers, nous appelons à nouveau notre maire à refuser toute régression sociale et à choisir de placer la municipalité parisienne à la pointe des collectivités en matière de bienveillance et de protection de ses personnels et pour cela :
• d’utiliser toutes les possibilités qui lui sont offertes afin de ne pas augmenter le temps de travail des agents ;
• de respecter la loi sur l’emploi de personnels vacataires et contractuels en créant les postes de contractuels et de fonctionnaires permettant leur déprécarisation.
Pour le maintien de tous les jours de congé, de tous les JRTT, de toutes les sujétions !
L’intersyndicale vous appelle à participer aux prochaines grèves et manifestations !
PAS UNE MINUTE DE PLUS !
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